Sale Old Master & 19th  Century Art - 09 november 2022 /Lot 130 Jean-Siméon CHARDIN Paris, 1699 - 1779 Marmite de cuivre, choux-fleurs et égrugeoir avec son pilon sur un entablement

  • Jean-Siméon CHARDIN Paris, 1699 - 1779 Marmite de cuivre, choux-fleurs et égrugeoir avec son pilon sur un entablement Huile sur toil...
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Jean-Siméon CHARDIN Paris, 1699 - 1779
Marmite de cuivre, choux-fleurs et égrugeoir avec son pilon sur un entablement
Huile sur toile
Signée 'Chardin' en bas à droite
(Restaurations)

Copper pot, cauliflower and mortar with its pestle on an entablature, oil on canvas, signed, by J. S. Chardin
h: 33 w: 40,50 cm

Provenance : Collection du Dr. Benoist ;
Sa vente, Paris, 30 mars 1857, n° 15 (avec son pendant sous le n° 14 : "Des poireaux, une botte d'oignons, un pied de céleri et un chou sur une table de cuisine") ;
Collection Alfred Lindenbaum, Paris ;
Confisqué en 1940 et déposé au Jeu de Paume, sous le n° Li 10 (inscrit sur le châssis au verso) ;
Collection Herman Goering, de 1940 à 1942 ;
Transféré au Lager Peter, rapatrié en France en 1946 et restitué en 1947 ;
Vente Collection A. L. ; Paris, Palais Galliera, 9 juin 1964, n° 23 (42.000 francs, comme attribué à Chardin) ;
Probablement acquis lors de cette vente par François Heim ;
Probablement acquis auprès de ce dernier par Monsieur Jacques Maugüé (1902-1981) ;
A son épouse Hélène Maugüé, née Bachellery (1903-1998) ;
A sa succession, vente anonyme ; Paris, Hôtel Drouot, Millon & Associés, 26 mars 1999, n° 36 (comme attribué à Chardin, invendu) ;
Repris par la famille, puis par descendance ;
Collection particulière, Paris


Expositions : 'French paintings & sculptures of the 18th Century. Winter exhibition', Londres, Heim, 1968, n° 11

Bibliographie : Georges Wildenstein, 'Chardin', Paris, 1921, p. 233, n° 1039
Pierre Rosenberg, 'L'opera completa di Chardin', Milan, 1983, n. p., n° 77, repr.
Pierre Rosenberg et Renaud Temperini, 'Chardin', Paris, 1999, p. 220, n° 78, repr.

Commentaire : Sur un entablement de pierre, la panse irisée et familière d'un chaudron de cuivre côtoie quelques légumes d'hiver au côté d'un égrugeoir, petit mortier de bois. C'est le quotidien dans toute sa simplicité et sa rusticité qui s'exprime ici, sous le pinceau de Jean-Siméon Chardin. L'apparente sobriété de cette composition ne doit cependant pas nous laisser ignorer qu'elle témoigne d'une étape de maturation de l'art de ce peintre qui ne cesse de nous étonner.
A partir de 1730 en effet, Chardin commence à réaliser des compositions d'un type nouveau, illustrant des intérieurs de cuisine à l'aide de quelques rares motifs, ustensiles banals, pauvres et quotidiens, auxquels se joignent des légumes ou un peu de viande ou de poisson et parfois les plis blancs d'une serviette. Emergeant d'un fond neutre généralement sombre, ces objets deviennent l'unique sujet de la toile et sont d'autant plus valorisés que leur nombre est limité. Le spectateur a ainsi tout loisir de s'absorber dans les reflets rosés du cuivre et ceux plus doux du bois tourné, ou encore dans les flocons blancs des bouquets de chou-fleur.
Peu de temps auparavant, les premières natures mortes de Chardin manifestaient encore la dette de l'artiste à l'égard des peintres flamands, utilisant notamment le répertoire de la chasse, et des peintres français actifs sous le règne de Louis XIV. Nous pouvons citer dans ce registre les deux célèbres morceaux de réception de Chardin à l'Académie royale en 1728, La Raie et Le Buffet, tous deux conservés au musée du Louvre. Pour répondre à des commandes, il élabore également des compositions décoratives et allégoriques, substituant aux ustensiles de cuisine des instruments de disciplines plus nobles, comme la Science et les Arts1.
Rapidement cependant, le peintre choisit d'épurer ses tableaux, et ce radicalement, dans une recherche d'équilibre. Fait également nouveau en ce début de XVIIIe siècle, il délaisse tout discours symbolique ou moralisateur, qui venait jusqu'ici régulièrement enrichir la valeur de ce genre pictural peu considéré qu'était la nature morte. C'est pour eux-mêmes qu'il dispose ces objets et les offre à notre regard, tels qu'ils se présentaient à celui de ses contemporains, dans leur nudité, sans fioritures ni anecdotes. Cette évolution dans la construction de ses compositions va de pair avec celle de sa touche, qui se fait progressivement plus lâche et moins minutieuse. Ces sobres compositions de la première partie des années 1730 seront le laboratoire d'une manière qui atteindra son plein épanouissement chez Chardin dans les années 1760 et c'est dans la première moitié de cette décennie que notre Marmite de cuivre, choux-fleurs et égrugeoir sur un entablement est à situer. Renouant avec la nature morte, le peintre retrouve ses motifs de prédilection comme les chaudrons cuivrés et les égrugeoirs, tels qu'il avait pu les peindre par exemple dans la Nature morte au quartier de côtelettes datée de 1732 et conservée au musée Jacquemart-André à Paris (fig. 1), renouvelant toutefois ses propres innovations en conservant la modestie des sujets mais en les décrivant avec toujours moins de précision, délaissant la minutie du détail pour se concentrer sur le rendu des masses et des volumes. Denis Diderot parviendra alors avec beaucoup de justesse à décrire l'impression créée par la matière rugueuse et ample de Chardin : " Le faire de Chardin est particulier. Il a de commun avec la manière heurtée, que de près on ne sait ce que c'est, et qu'à mesure qu'on s'éloigne l'objet se crée, et finit par être celui de la nature2. "
Mais la fécondité de tableaux comme celui que nous présentons fut loin de s'arrêter au XVIIIe siècle et à la carrière de leur auteur. En effet, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, les tenants de la modernité n'eurent de cesse d'étudier et d'admirer leur prédécesseur, exprimant sans faux-semblant leur dette à son égard. Pour n'en citer qu'un seul, découvrons cette lettre de Vincent van Gogh à son frère Théo : " J'ai extrêmement apprécié ce qu'il [Goncourt] dit de la technique de Chardin. Je suis de plus en plus convaincu que les vrais peintres n'achevaient pas dans le sens qu'on donne trop souvent au mot achever, c'est-à-dire avec tant de précision qu'on peut mettre le nez dessus. Les meilleures peintures et justement les plus parfaites du point de vue technique, en les regardant de près, sont faites de couleur l'une à côté de l'autre et produisent leur effet à une certaine distance. Rembrandt n'en a pas démordu, malgré toutes les souffrances que cela lui a values ... À ce point de vue, Chardin est aussi grand que Rembrandt3. "

1. Paris, musée Jacquemart-André.
2. D. Diderot, Salon de 1765.
3. Vincent Van Gogh, 'Lettre à son frère Théo [novembre 1885]', in 'Correspondance complète de Vincent van Gogh', Paris, 1960, t. II, p. 499.

Estimation 600 000 - 800 000 €



Sold 747,840 €
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Lot 130

Jean-Siméon Chardin (1699-1779)
Still life

Sold 747,840 € [$]

Jean-Siméon CHARDIN Paris, 1699 - 1779
Marmite de cuivre, choux-fleurs et égrugeoir avec son pilon sur un entablement
Huile sur toile
Signée 'Chardin' en bas à droite
(Restaurations)

Copper pot, cauliflower and mortar with its pestle on an entablature, oil on canvas, signed, by J. S. Chardin
h: 33 w: 40,50 cm

Provenance : Collection du Dr. Benoist ;
Sa vente, Paris, 30 mars 1857, n° 15 (avec son pendant sous le n° 14 : "Des poireaux, une botte d'oignons, un pied de céleri et un chou sur une table de cuisine") ;
Collection Alfred Lindenbaum, Paris ;
Confisqué en 1940 et déposé au Jeu de Paume, sous le n° Li 10 (inscrit sur le châssis au verso) ;
Collection Herman Goering, de 1940 à 1942 ;
Transféré au Lager Peter, rapatrié en France en 1946 et restitué en 1947 ;
Vente Collection A. L. ; Paris, Palais Galliera, 9 juin 1964, n° 23 (42.000 francs, comme attribué à Chardin) ;
Probablement acquis lors de cette vente par François Heim ;
Probablement acquis auprès de ce dernier par Monsieur Jacques Maugüé (1902-1981) ;
A son épouse Hélène Maugüé, née Bachellery (1903-1998) ;
A sa succession, vente anonyme ; Paris, Hôtel Drouot, Millon & Associés, 26 mars 1999, n° 36 (comme attribué à Chardin, invendu) ;
Repris par la famille, puis par descendance ;
Collection particulière, Paris


Expositions : 'French paintings & sculptures of the 18th Century. Winter exhibition', Londres, Heim, 1968, n° 11

Bibliographie : Georges Wildenstein, 'Chardin', Paris, 1921, p. 233, n° 1039
Pierre Rosenberg, 'L'opera completa di Chardin', Milan, 1983, n. p., n° 77, repr.
Pierre Rosenberg et Renaud Temperini, 'Chardin', Paris, 1999, p. 220, n° 78, repr.

Commentaire : Sur un entablement de pierre, la panse irisée et familière d'un chaudron de cuivre côtoie quelques légumes d'hiver au côté d'un égrugeoir, petit mortier de bois. C'est le quotidien dans toute sa simplicité et sa rusticité qui s'exprime ici, sous le pinceau de Jean-Siméon Chardin. L'apparente sobriété de cette composition ne doit cependant pas nous laisser ignorer qu'elle témoigne d'une étape de maturation de l'art de ce peintre qui ne cesse de nous étonner.
A partir de 1730 en effet, Chardin commence à réaliser des compositions d'un type nouveau, illustrant des intérieurs de cuisine à l'aide de quelques rares motifs, ustensiles banals, pauvres et quotidiens, auxquels se joignent des légumes ou un peu de viande ou de poisson et parfois les plis blancs d'une serviette. Emergeant d'un fond neutre généralement sombre, ces objets deviennent l'unique sujet de la toile et sont d'autant plus valorisés que leur nombre est limité. Le spectateur a ainsi tout loisir de s'absorber dans les reflets rosés du cuivre et ceux plus doux du bois tourné, ou encore dans les flocons blancs des bouquets de chou-fleur.
Peu de temps auparavant, les premières natures mortes de Chardin manifestaient encore la dette de l'artiste à l'égard des peintres flamands, utilisant notamment le répertoire de la chasse, et des peintres français actifs sous le règne de Louis XIV. Nous pouvons citer dans ce registre les deux célèbres morceaux de réception de Chardin à l'Académie royale en 1728, La Raie et Le Buffet, tous deux conservés au musée du Louvre. Pour répondre à des commandes, il élabore également des compositions décoratives et allégoriques, substituant aux ustensiles de cuisine des instruments de disciplines plus nobles, comme la Science et les Arts1.
Rapidement cependant, le peintre choisit d'épurer ses tableaux, et ce radicalement, dans une recherche d'équilibre. Fait également nouveau en ce début de XVIIIe siècle, il délaisse tout discours symbolique ou moralisateur, qui venait jusqu'ici régulièrement enrichir la valeur de ce genre pictural peu considéré qu'était la nature morte. C'est pour eux-mêmes qu'il dispose ces objets et les offre à notre regard, tels qu'ils se présentaient à celui de ses contemporains, dans leur nudité, sans fioritures ni anecdotes. Cette évolution dans la construction de ses compositions va de pair avec celle de sa touche, qui se fait progressivement plus lâche et moins minutieuse. Ces sobres compositions de la première partie des années 1730 seront le laboratoire d'une manière qui atteindra son plein épanouissement chez Chardin dans les années 1760 et c'est dans la première moitié de cette décennie que notre Marmite de cuivre, choux-fleurs et égrugeoir sur un entablement est à situer. Renouant avec la nature morte, le peintre retrouve ses motifs de prédilection comme les chaudrons cuivrés et les égrugeoirs, tels qu'il avait pu les peindre par exemple dans la Nature morte au quartier de côtelettes datée de 1732 et conservée au musée Jacquemart-André à Paris (fig. 1), renouvelant toutefois ses propres innovations en conservant la modestie des sujets mais en les décrivant avec toujours moins de précision, délaissant la minutie du détail pour se concentrer sur le rendu des masses et des volumes. Denis Diderot parviendra alors avec beaucoup de justesse à décrire l'impression créée par la matière rugueuse et ample de Chardin : " Le faire de Chardin est particulier. Il a de commun avec la manière heurtée, que de près on ne sait ce que c'est, et qu'à mesure qu'on s'éloigne l'objet se crée, et finit par être celui de la nature2. "
Mais la fécondité de tableaux comme celui que nous présentons fut loin de s'arrêter au XVIIIe siècle et à la carrière de leur auteur. En effet, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, les tenants de la modernité n'eurent de cesse d'étudier et d'admirer leur prédécesseur, exprimant sans faux-semblant leur dette à son égard. Pour n'en citer qu'un seul, découvrons cette lettre de Vincent van Gogh à son frère Théo : " J'ai extrêmement apprécié ce qu'il [Goncourt] dit de la technique de Chardin. Je suis de plus en plus convaincu que les vrais peintres n'achevaient pas dans le sens qu'on donne trop souvent au mot achever, c'est-à-dire avec tant de précision qu'on peut mettre le nez dessus. Les meilleures peintures et justement les plus parfaites du point de vue technique, en les regardant de près, sont faites de couleur l'une à côté de l'autre et produisent leur effet à une certaine distance. Rembrandt n'en a pas démordu, malgré toutes les souffrances que cela lui a values ... À ce point de vue, Chardin est aussi grand que Rembrandt3. "

1. Paris, musée Jacquemart-André.
2. D. Diderot, Salon de 1765.
3. Vincent Van Gogh, 'Lettre à son frère Théo [novembre 1885]', in 'Correspondance complète de Vincent van Gogh', Paris, 1960, t. II, p. 499.

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Sale: 4217
Date: 09 nov. 2022 18:00
Auctioneer: Matthieu Fournier

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Old Master & 19th Century Art