• PAIRE DE CANDÉLABRES D'ÉPOQUE LOUIS XV
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PAIRE DE CANDÉLABRES D'ÉPOQUE LOUIS XV
En porcelaine Kakiemon, Arita, Japon, vers 1690-1710, monture de bronze ciselé et doré d'époque Louis XV, vers 1750, à trois bras de lumière, reposant sur une terrasse à décor d'agrafes feuillagées et d'enfants enlacés, l'un des deux avec un numéro au revers en rouge (N 1472 ?) et un bras restauré au XIXe siècle
H. : 37 et 38,5 cm (14 1/2 and 15 in.)
l. : 25 cm (9 3/4 in.)

Provenance :
S.A.R. Le Duc d'Aoste.
Paul Gutman.
Collection Chester Beatty.
Stavros Niarchos.
Collection de Madame Charlotte Ford, Vente Christie's New York,
le 18 novembre 1978, lot 138.
Acquis auprès de la Galerie Maurice Segoura, Paris, en 2005.
Collection Pierre Jourdan-Barry.
Puis par descendance jusqu'à l'actuel propriétaire.

A pair of Louis XV ormolu-mounted and Japanese porcelain three light candelabra, the Kakiemon Arita porcelain, circa 1690-1710, the mounts circa 1750

Les candélabres Chester Beatty sont un précieux témoignage marquant du goût des amateurs au XVIIIe siècle pour le pittoresque et les objets venus d'ailleurs, les jugeant suffisamment précieux pour être mis en valeur avec virtuosité par les artisans bronziers contemporains.

L'attrait pour le pittoresque et les porcelaines venues d'Orient

Les figures animalières en porcelaine d'Extrême Orient importées par la Compagnie des Indes connurent un immense succès auprès d'une clientèle d'amateurs férus de chinoiseries. Collectionnées telles quelles pour leur pittoresque ou agrémentées de montures en bronze doré, la plupart du temps à l'initiative des marchands merciers, elles figurent dans les plus importants cabinets de l'époque.
Parmi elles, et ceci tout au long du XVIIIe siècle, les porcelaines du Japon étaient les plus prisées. La finesse de la pâte était jugée bien supérieure à celle des porcelaines chinoises à tel point que le terme " Japon " finit par désigner la qualité et non la provenance. Parmi ces porcelaines, les Kakiemon, pour " le grenu fin du beau blanc de sa pâte, le flou séduisant de son rouge mat, le velouté de ses douces et vives couleurs en verd et bleu céleste foncé " suscitaient particulièrement toutes les convoitises. Leur prix augmenta continuellement (1).
Outre les vases, les plus onéreux, les figures animalières réservées à l'exportation connurent un immense succès à la faveur d'une sensibilité accrue envers le monde animal.

Plusieurs exemples de coqs comparables à nos exemplaires en porcelaine Kakiemon, provenant des fours d'Arita, sont présents dans des collections européennes tel que celui conservé à Burghley House Stamford, Lincolnshire (2), les exemplaires les plus proches étant conservés dans les collections royales anglaises, ornés d'une base de bronze doré à motifs de style rocaille (3).

Les collectionneurs du XVIIIe siècle à la recherche de l'objet rare

Si les figures animalières en porcelaine importées du Japon et de la Chine sont très populaires, extrêmement rares sont celles mentionnées comme formant candélabres ou " girandolles ", et de surcroît celles figurant un coq.

Entre 1750 et 1756 le marchand-mercier Lazare Duvaux (1703-1758) vendit 84 statuettes d'animaux dont uniquement dix coqs et seulement quatre sont ornés de bronze doré :

- Deux coqs dits en porcelaine de Chine livrés à Mme de Pompadour le 4 août 1755 pour sa résidence parisienne, l'hôtel d'Evreux, montés en candélabres : " -Une paire de girandoles à trois branches à feuillage, garnies de fleurs et terrasses dorées, sur des coqs blancs, 360 l- les ports à l'hotel 3 l ".

- Deux coqs dits " de porcelaine ancienne sur des terrasses dorées d'or moulu " livrés le 26 décembre 1755 à Monsieur d'Azincourt pour 192 livres (4).
Dans la vente après décès de ce dernier (5) figurent dans la section consacrée aux "porcelaines d'ancienne première qualité coloriées " - cette appellation correspondant à la porcelaine du Japon dite Kakiemon : " deux coqs groupés sur une feuille de vigne de même espèce ; ils sont placés sur des pieds contournés à panneaux de porcelaine coloriée encadrés de bronze doré ", vendus à Julliot pour 480 livres.
Barthélémy-Augustin Blondel d'Azincourt, était le fils du célèbre amateur et collectionneur d'art Blondel de Gagny (1695-1776) dont le Cabinet était l'un des plus réputés d'Europe (6).
En outre, on sait qu'il acheta bon nombre d'œuvres au cours de la vente après décès de son père en 1776 (7) dont deux coqs ainsi décrits 627 - deux coqs sur des pieds contournés à panneaux encadrés de bronze doré (Fig. 1).

Parmi les candélabres d'époque Louis XV montés de coqs en porcelaine du Japon connus aujourd'hui figurent :
- Une paire de coqs blancs en porcelaine du Japon d'Arita montés en candélabre d'époque Louis XV, vendue par Christie's Londres le 6 décembre 2007, lot 29.
- Une poule en porcelaine Imari du Japon, de la fin du XVIIe-début du XVIIIe siècle, ornée d'une monture de bronze doré et notamment de trois bras de lumières mentionnés d'époque postérieure ayant fait partie d'une collection privée suisse (8)
- Et, cités plus haut, une paire de coqs très proches des nôtres, en porcelaine d'Arita, entre 1690 et 1710, munis d'une base en bronze ciselé et doré vers 1740 font partie des collections royales anglaises (9). Encore montés en candélabres dans un inventaire du château de Windsor dressé en 1905, ils conservent aujourd'hui uniquement leur base rocaille.

D'autres sont ornés de coqs en porcelaine de Chine :
- Une paire de candélabres à trois lumières ornés de coqs en porcelaine de Chine ont été vendus à Paris, hôtel George V, le 23 juin 1988, lot 60.
- Une paire de candélabres identifiés comme étant ceux
livrés à Madame de Pompadour le 4 août 1755 par Lazare Duvaux a été vendue par Sotheby's Londres, Treasures, le 8 juillet 2015, lot 21 (Fig. 2). Ils sont attribués au bronzier Jacques Caffieri (1678-1755) par analogie avec les lustres aux armes de Madame de Pompadour conservés à la Bibliothèque Mazarine comportant en outre des putti parmi les enroulements de feuillage (10).

Le parcours de nos candélabres au XXe siècle : Sir Alfred Chester Beatty (1875-1968) , Stavros Niarchos (1909-1996) et Pierre Jourdan-Barry (1926-2016)

Le catalogue de la vente d'une partie de la collection de Charlotte Ford (11) (Fig. 3) (née en 1946), fille et héritière de Henry Ford II, magnat de l'automobile, indique plusieurs provenances sans indication de dates : duc d'Aoste et Paul Gutman. Aucun élément ne nous a permis de les identifier.
Il mentionne également Sir Chester Beatty puis Stavros Niarchos.

Charlotte Ford fut l'épouse du célèbre armateur grec durant une courte période, entre 1966 et 1967. Plusieurs autres pièces figurant dans cette vente ont cette même double provenance, ce qui laisserait penser que Stavros Niarchos (1909-1996) aurait acheté directement une partie de la collection de Sir Alfred Chester Beatty (1875-1968).

Ce dernier était le fils d'un agent de change new-yorkais, John Cuming Beatty et de Hetty Bull. Il fit fortune en tant qu'ingénieur minier et connu sous le nom de "roi du cuivre". Collectionneur dès son plus jeune âge, il constitua l'une des plus importantes collections de papyrus, manuscrits d'Orient et recueils européens du Moyen Age. Après la mort de sa première femme Grace, en 1911, Beatty quitta l'Amérique pour Londres où il épousa Edith Dunne Stone en 1913. Il devint citoyen britannique en 1933 et anobli en 1954. Etabli à Dublin en 1950, il créa la Chester Library pour abriter ses collections. Une partie avait été dispersée en 1932 et 1933 à la suite de la grande crise de 1929. Une vente eut lieu à son décès en 1968 et 1969. Des œuvres furent léguées au British Museum tandis que la collection de sa femme Edith (décédée en 1952), constituée de meubles ayant appartenu à Marie Antoinette, rejoignit en partie le musée du Louvre.

On retrouve la trace de nos candélabres dans l'inventaire qui fut dressé après le décès d'Edith Chester Beatty (Fig. 5) et ils sont représentés sur une photographie ancienne (Fig. 4), disposés sur une commode d'une paire estampillée de Jacques Dubois, les bronzes alors attribués à Caffieri.

Le goût rocaille

Les présents candélabres sont particulièrement remarquables par la richesse et l'originalité de leur monture de bronze dans laquelle on décèle plusieurs influences.
La présence de putti en bronze sur la terrasse de nos candélabres évoque par exemple les œuvres de l'ornemaniste Juste Aurèle Meissonnier (1695-1750) auteur d'un flambeau orné de putti parmi des volutes rocaille dont le modèle fut diffusé grâce aux gravures publiées par Gabriel Huquier(12) (Fig. 6).

Dans le même esprit, un candélabre provenant du château de Colorno, conservé au Palais Pitti à Florence est orné de putti se mêlant aux volutes rocaille formant le fût et repose sur une base ajourée d'enroulements et agrafes de feuillage (13). Il est rapproché des œuvres de l'orfèvre François Thomas Germain (1726-1791) dont le portrait que réalisa Largillière (14) fait figurer ce même type de flambeau figuratif.

Une paire de candélabres à trois branches, d'une suite de quatre, livrée au roi de Portugal en 1757 par François Thomas Germain, conservée au musée du Louvre, présente deux putti de part et d'autre de branchages sinueux terminés par des corolles de feuillages et binets mouvementés (15) (Fig. 7).
Y règnent une grande fantaisie, une " grâce enjouée ", une virtuosité propre à l'orfèvre. Ici également les binets viennent se fixer directement sur les bras sans que la présence d'un bassin indépendant soit nécessaire, à l'instar des quatre appliques provenant du Palais Royal et aujourd'hui conservées au musée J. P. Getty (16).

En 1723, après une longue période d'études à l'Académie française de Rome, François Thomas Germain est nommé " sculpteur orfèvre du roi " et dispose de somptueux appartements dans les ateliers du Louvre. Le travail de Germain pour la couronne lui vaut de recevoir des commandes d'autres cours européennes, notamment celles d'Espagne, du Danemark, de Naples et du Portugal. On sait qu'il réalisa également des œuvres en bronze doré dont la paire de chenets à cassolettes, signés et datés, réalisés pour le grand salon de la Duchesse d'Orléans au Palais Royal en 1757, conservés aujourd'hui au Louvre (17). Et des objets montés sont cités en grand nombre dans les documents établis au moment de sa faillite en 1766.

Un candélabre à trois branches, entièrement de bronze doré, à motif de perroquet et de putti à la base, conservé au Musée de Cleveland aux Etats Unis (18) comporte certaines similitudes avec les présents candélabres (Fig. 8). Les putti également entrelacés reposent sur une base à motif de courbes et contrecourbes rocaille tandis que les bras sont ciselés de manière naturaliste. Pierre Verlet signale à leur sujet une tradition selon laquelle il appartiendrait à une paire provenant du château royal de Dresde, exécutée par Jean- Joseph de Saint Germain (1721-1791) et offerte par la dauphine Marie-Josèphe de Saxe à son père l'électeur et roi de Pologne Auguste III (1696-1763).

Notons que des binets semblables à feuilles unies et graines figurent sur une paire de candélabres ornée de cygnes en porcelaine de Meissen, conservée au Rijksmuseum à Amsterdam(19) (Fig. 9). Elle est attribuée à Francesco Ladetti, dit Charles-François Ladatte (1706-1787) sur la base de ses œuvres conservées au Palazzo reale de Turin (20).

Cependant, la ciselure de nos candélabres les rattache aux productions françaises des années 1750. Et, une attribution à " Jacques Caffieri (1678-1755) sculpteur, fondeur et ciseleur du roi ", ou son fils Philippe Caffieri (1714-1774) reste également une hypothèse vraisemblable. En effet, proche en ciselure, un élément très particulier de godrons en spirale se retrouve sur l'ornement d'une commode de Gaudreaus conservée dans une collection particulière (21).

Une écritoire de bureau formant candélabre à deux lumières provenant de la collection de la baronne de Lopez Tarragoya, signé et daté Caffieri fecit 1759 (22) est orné d'un enfant sur une terrasse rocaille tandis que les binets des candélabres présentent également des canaux unis d'or mat cependant enveloppés de feuillage.


(1) S. Castellucio, " Le goût des porcelaines de Chine et du Japon à Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles ", édition Monelle Hayot, 2013, p.
(2) J. Ayers, O. Impey et al., "Porcelain for palaces: the fashion for Japan in Europe 1650-1750", London, 1990, Oriental Ceramic Society p. 184, fig 169.
(3) J. Ayers, "Chinese and Japanese works of art in the collection of her Majesty the Queen", Royal Collection Trust, 2017, vol II,
p. 654, fig. 1527-1528.
(4) Louis Courajod, " Livre-journal de Lazare Duvaux, marchand bijoutier ordinaire du roy ", 1748-1758, 1878.
(5) Alexandre-Joseph Paillet, Philippe-François Julliot et Jean-Nicolas Dufresne, " Catalogue des tableaux, dessins, marbres, bronzes, terres cuites, pierres gravées, meubles précieux ... objets d'histoire naturelle, &c. &c. du cabinet de M. *** : dont la vente se fera à l'hôtel de Louvois, rue de Richelieu, vis-à-vis celle de Colbert, le lundi 10 février 1783, & jours suivans ", Paris, Prault, 1783, p. 233
(6) Hébert, " Dictionnaire pittoresque et historique, ou Description d'architecture, peinture, sculpture, gravure ... et dates des établissements et monuments de Paris ", Paris, Claude Hérissant, 1766.
(7) Pierre Remy, Jean-François Musier, " Catalogue de tableaux précieux, miniatures & gouaches, figures, bustes & vases de marbre & de bronze, armoires, commodes & effets précieux du célèbre Boule, un magnifique lustre de crystal de roche, & plusieurs autres de bronze doré, des porcelaines anciennes & modernes du plus grand choix, des pendules, feux & bras de cheminée de bronze doré, & autres objets curieux & rares qui composent le cabinet de feu M. Blondel de Gagny, trésorier-général de la Caisse des amortissements ", 1776.
(8) Vente Sotheby's Londres
le 10 novembre 2010, lot 418.
(9) J. Ayers, "Chinese and Japanese works of art in the collection of her Majesty the Queen", Royal Collection Trust, 2017, vol II,
p. 654, fig. 1527-1528.
(10) Pierre Verlet, " Les Bronzes Dorés Français du XVIIIe siècle ", Picard, 1987, p. 288, no. 324.
(11) Christie's New York,
le 18 novembre 1978, lot 138.
(12) H. Ottomeyer et al., "Vergoldete Bronzen", Munich 1986, vol I p.102, fig 2.1.1.
(13) Op.cit. p.103, fig 2.13.
(14) Conservé au musée Calouste Gulbenkian à Lisbonne
(15) C. Perrin, " François Thomas Germain, orfèvre des rois ", Monelle Hayot, Paris, 1993, p. 155.
(16) Op cit. p. 230.
(17) Op. cit. pp. 218-219.
(18) P.Verlet, " Les bronzes dorés français du XVIIIe siècle ", Picard, 2003, p. 32, fig. 20.
(19) Rijksmuseum p. 205.
(20) V. Viale, Catalogue de l'Exposition, " Mostra del Barocco Piemontese ", Turin, 1963.
(21) E. Grall et D. Alcouffe, " Antoine Robert Gaudreaus, ébéniste de Louis XV ", Faton, Paris, 2022, pp. 208-217.
(22) Vente à Paris, hôtel George V, le 8 juin 1990, lot 40.


Estimation 80 000 - 120 000 €

Vendu 104 960 €
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Lot 19

PAIRE DE CANDÉLABRES D'ÉPOQUE LOUIS XV

Vendu 104 960 € [$]

PAIRE DE CANDÉLABRES D'ÉPOQUE LOUIS XV
En porcelaine Kakiemon, Arita, Japon, vers 1690-1710, monture de bronze ciselé et doré d'époque Louis XV, vers 1750, à trois bras de lumière, reposant sur une terrasse à décor d'agrafes feuillagées et d'enfants enlacés, l'un des deux avec un numéro au revers en rouge (N 1472 ?) et un bras restauré au XIXe siècle
H. : 37 et 38,5 cm (14 1/2 and 15 in.)
l. : 25 cm (9 3/4 in.)

Provenance :
S.A.R. Le Duc d'Aoste.
Paul Gutman.
Collection Chester Beatty.
Stavros Niarchos.
Collection de Madame Charlotte Ford, Vente Christie's New York,
le 18 novembre 1978, lot 138.
Acquis auprès de la Galerie Maurice Segoura, Paris, en 2005.
Collection Pierre Jourdan-Barry.
Puis par descendance jusqu'à l'actuel propriétaire.

A pair of Louis XV ormolu-mounted and Japanese porcelain three light candelabra, the Kakiemon Arita porcelain, circa 1690-1710, the mounts circa 1750

Les candélabres Chester Beatty sont un précieux témoignage marquant du goût des amateurs au XVIIIe siècle pour le pittoresque et les objets venus d'ailleurs, les jugeant suffisamment précieux pour être mis en valeur avec virtuosité par les artisans bronziers contemporains.

L'attrait pour le pittoresque et les porcelaines venues d'Orient

Les figures animalières en porcelaine d'Extrême Orient importées par la Compagnie des Indes connurent un immense succès auprès d'une clientèle d'amateurs férus de chinoiseries. Collectionnées telles quelles pour leur pittoresque ou agrémentées de montures en bronze doré, la plupart du temps à l'initiative des marchands merciers, elles figurent dans les plus importants cabinets de l'époque.
Parmi elles, et ceci tout au long du XVIIIe siècle, les porcelaines du Japon étaient les plus prisées. La finesse de la pâte était jugée bien supérieure à celle des porcelaines chinoises à tel point que le terme " Japon " finit par désigner la qualité et non la provenance. Parmi ces porcelaines, les Kakiemon, pour " le grenu fin du beau blanc de sa pâte, le flou séduisant de son rouge mat, le velouté de ses douces et vives couleurs en verd et bleu céleste foncé " suscitaient particulièrement toutes les convoitises. Leur prix augmenta continuellement (1).
Outre les vases, les plus onéreux, les figures animalières réservées à l'exportation connurent un immense succès à la faveur d'une sensibilité accrue envers le monde animal.

Plusieurs exemples de coqs comparables à nos exemplaires en porcelaine Kakiemon, provenant des fours d'Arita, sont présents dans des collections européennes tel que celui conservé à Burghley House Stamford, Lincolnshire (2), les exemplaires les plus proches étant conservés dans les collections royales anglaises, ornés d'une base de bronze doré à motifs de style rocaille (3).

Les collectionneurs du XVIIIe siècle à la recherche de l'objet rare

Si les figures animalières en porcelaine importées du Japon et de la Chine sont très populaires, extrêmement rares sont celles mentionnées comme formant candélabres ou " girandolles ", et de surcroît celles figurant un coq.

Entre 1750 et 1756 le marchand-mercier Lazare Duvaux (1703-1758) vendit 84 statuettes d'animaux dont uniquement dix coqs et seulement quatre sont ornés de bronze doré :

- Deux coqs dits en porcelaine de Chine livrés à Mme de Pompadour le 4 août 1755 pour sa résidence parisienne, l'hôtel d'Evreux, montés en candélabres : " -Une paire de girandoles à trois branches à feuillage, garnies de fleurs et terrasses dorées, sur des coqs blancs, 360 l- les ports à l'hotel 3 l ".

- Deux coqs dits " de porcelaine ancienne sur des terrasses dorées d'or moulu " livrés le 26 décembre 1755 à Monsieur d'Azincourt pour 192 livres (4).
Dans la vente après décès de ce dernier (5) figurent dans la section consacrée aux "porcelaines d'ancienne première qualité coloriées " - cette appellation correspondant à la porcelaine du Japon dite Kakiemon : " deux coqs groupés sur une feuille de vigne de même espèce ; ils sont placés sur des pieds contournés à panneaux de porcelaine coloriée encadrés de bronze doré ", vendus à Julliot pour 480 livres.
Barthélémy-Augustin Blondel d'Azincourt, était le fils du célèbre amateur et collectionneur d'art Blondel de Gagny (1695-1776) dont le Cabinet était l'un des plus réputés d'Europe (6).
En outre, on sait qu'il acheta bon nombre d'œuvres au cours de la vente après décès de son père en 1776 (7) dont deux coqs ainsi décrits 627 - deux coqs sur des pieds contournés à panneaux encadrés de bronze doré (Fig. 1).

Parmi les candélabres d'époque Louis XV montés de coqs en porcelaine du Japon connus aujourd'hui figurent :
- Une paire de coqs blancs en porcelaine du Japon d'Arita montés en candélabre d'époque Louis XV, vendue par Christie's Londres le 6 décembre 2007, lot 29.
- Une poule en porcelaine Imari du Japon, de la fin du XVIIe-début du XVIIIe siècle, ornée d'une monture de bronze doré et notamment de trois bras de lumières mentionnés d'époque postérieure ayant fait partie d'une collection privée suisse (8)
- Et, cités plus haut, une paire de coqs très proches des nôtres, en porcelaine d'Arita, entre 1690 et 1710, munis d'une base en bronze ciselé et doré vers 1740 font partie des collections royales anglaises (9). Encore montés en candélabres dans un inventaire du château de Windsor dressé en 1905, ils conservent aujourd'hui uniquement leur base rocaille.

D'autres sont ornés de coqs en porcelaine de Chine :
- Une paire de candélabres à trois lumières ornés de coqs en porcelaine de Chine ont été vendus à Paris, hôtel George V, le 23 juin 1988, lot 60.
- Une paire de candélabres identifiés comme étant ceux
livrés à Madame de Pompadour le 4 août 1755 par Lazare Duvaux a été vendue par Sotheby's Londres, Treasures, le 8 juillet 2015, lot 21 (Fig. 2). Ils sont attribués au bronzier Jacques Caffieri (1678-1755) par analogie avec les lustres aux armes de Madame de Pompadour conservés à la Bibliothèque Mazarine comportant en outre des putti parmi les enroulements de feuillage (10).

Le parcours de nos candélabres au XXe siècle : Sir Alfred Chester Beatty (1875-1968) , Stavros Niarchos (1909-1996) et Pierre Jourdan-Barry (1926-2016)

Le catalogue de la vente d'une partie de la collection de Charlotte Ford (11) (Fig. 3) (née en 1946), fille et héritière de Henry Ford II, magnat de l'automobile, indique plusieurs provenances sans indication de dates : duc d'Aoste et Paul Gutman. Aucun élément ne nous a permis de les identifier.
Il mentionne également Sir Chester Beatty puis Stavros Niarchos.

Charlotte Ford fut l'épouse du célèbre armateur grec durant une courte période, entre 1966 et 1967. Plusieurs autres pièces figurant dans cette vente ont cette même double provenance, ce qui laisserait penser que Stavros Niarchos (1909-1996) aurait acheté directement une partie de la collection de Sir Alfred Chester Beatty (1875-1968).

Ce dernier était le fils d'un agent de change new-yorkais, John Cuming Beatty et de Hetty Bull. Il fit fortune en tant qu'ingénieur minier et connu sous le nom de "roi du cuivre". Collectionneur dès son plus jeune âge, il constitua l'une des plus importantes collections de papyrus, manuscrits d'Orient et recueils européens du Moyen Age. Après la mort de sa première femme Grace, en 1911, Beatty quitta l'Amérique pour Londres où il épousa Edith Dunne Stone en 1913. Il devint citoyen britannique en 1933 et anobli en 1954. Etabli à Dublin en 1950, il créa la Chester Library pour abriter ses collections. Une partie avait été dispersée en 1932 et 1933 à la suite de la grande crise de 1929. Une vente eut lieu à son décès en 1968 et 1969. Des œuvres furent léguées au British Museum tandis que la collection de sa femme Edith (décédée en 1952), constituée de meubles ayant appartenu à Marie Antoinette, rejoignit en partie le musée du Louvre.

On retrouve la trace de nos candélabres dans l'inventaire qui fut dressé après le décès d'Edith Chester Beatty (Fig. 5) et ils sont représentés sur une photographie ancienne (Fig. 4), disposés sur une commode d'une paire estampillée de Jacques Dubois, les bronzes alors attribués à Caffieri.

Le goût rocaille

Les présents candélabres sont particulièrement remarquables par la richesse et l'originalité de leur monture de bronze dans laquelle on décèle plusieurs influences.
La présence de putti en bronze sur la terrasse de nos candélabres évoque par exemple les œuvres de l'ornemaniste Juste Aurèle Meissonnier (1695-1750) auteur d'un flambeau orné de putti parmi des volutes rocaille dont le modèle fut diffusé grâce aux gravures publiées par Gabriel Huquier(12) (Fig. 6).

Dans le même esprit, un candélabre provenant du château de Colorno, conservé au Palais Pitti à Florence est orné de putti se mêlant aux volutes rocaille formant le fût et repose sur une base ajourée d'enroulements et agrafes de feuillage (13). Il est rapproché des œuvres de l'orfèvre François Thomas Germain (1726-1791) dont le portrait que réalisa Largillière (14) fait figurer ce même type de flambeau figuratif.

Une paire de candélabres à trois branches, d'une suite de quatre, livrée au roi de Portugal en 1757 par François Thomas Germain, conservée au musée du Louvre, présente deux putti de part et d'autre de branchages sinueux terminés par des corolles de feuillages et binets mouvementés (15) (Fig. 7).
Y règnent une grande fantaisie, une " grâce enjouée ", une virtuosité propre à l'orfèvre. Ici également les binets viennent se fixer directement sur les bras sans que la présence d'un bassin indépendant soit nécessaire, à l'instar des quatre appliques provenant du Palais Royal et aujourd'hui conservées au musée J. P. Getty (16).

En 1723, après une longue période d'études à l'Académie française de Rome, François Thomas Germain est nommé " sculpteur orfèvre du roi " et dispose de somptueux appartements dans les ateliers du Louvre. Le travail de Germain pour la couronne lui vaut de recevoir des commandes d'autres cours européennes, notamment celles d'Espagne, du Danemark, de Naples et du Portugal. On sait qu'il réalisa également des œuvres en bronze doré dont la paire de chenets à cassolettes, signés et datés, réalisés pour le grand salon de la Duchesse d'Orléans au Palais Royal en 1757, conservés aujourd'hui au Louvre (17). Et des objets montés sont cités en grand nombre dans les documents établis au moment de sa faillite en 1766.

Un candélabre à trois branches, entièrement de bronze doré, à motif de perroquet et de putti à la base, conservé au Musée de Cleveland aux Etats Unis (18) comporte certaines similitudes avec les présents candélabres (Fig. 8). Les putti également entrelacés reposent sur une base à motif de courbes et contrecourbes rocaille tandis que les bras sont ciselés de manière naturaliste. Pierre Verlet signale à leur sujet une tradition selon laquelle il appartiendrait à une paire provenant du château royal de Dresde, exécutée par Jean- Joseph de Saint Germain (1721-1791) et offerte par la dauphine Marie-Josèphe de Saxe à son père l'électeur et roi de Pologne Auguste III (1696-1763).

Notons que des binets semblables à feuilles unies et graines figurent sur une paire de candélabres ornée de cygnes en porcelaine de Meissen, conservée au Rijksmuseum à Amsterdam(19) (Fig. 9). Elle est attribuée à Francesco Ladetti, dit Charles-François Ladatte (1706-1787) sur la base de ses œuvres conservées au Palazzo reale de Turin (20).

Cependant, la ciselure de nos candélabres les rattache aux productions françaises des années 1750. Et, une attribution à " Jacques Caffieri (1678-1755) sculpteur, fondeur et ciseleur du roi ", ou son fils Philippe Caffieri (1714-1774) reste également une hypothèse vraisemblable. En effet, proche en ciselure, un élément très particulier de godrons en spirale se retrouve sur l'ornement d'une commode de Gaudreaus conservée dans une collection particulière (21).

Une écritoire de bureau formant candélabre à deux lumières provenant de la collection de la baronne de Lopez Tarragoya, signé et daté Caffieri fecit 1759 (22) est orné d'un enfant sur une terrasse rocaille tandis que les binets des candélabres présentent également des canaux unis d'or mat cependant enveloppés de feuillage.


(1) S. Castellucio, " Le goût des porcelaines de Chine et du Japon à Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles ", édition Monelle Hayot, 2013, p.
(2) J. Ayers, O. Impey et al., "Porcelain for palaces: the fashion for Japan in Europe 1650-1750", London, 1990, Oriental Ceramic Society p. 184, fig 169.
(3) J. Ayers, "Chinese and Japanese works of art in the collection of her Majesty the Queen", Royal Collection Trust, 2017, vol II,
p. 654, fig. 1527-1528.
(4) Louis Courajod, " Livre-journal de Lazare Duvaux, marchand bijoutier ordinaire du roy ", 1748-1758, 1878.
(5) Alexandre-Joseph Paillet, Philippe-François Julliot et Jean-Nicolas Dufresne, " Catalogue des tableaux, dessins, marbres, bronzes, terres cuites, pierres gravées, meubles précieux ... objets d'histoire naturelle, &c. &c. du cabinet de M. *** : dont la vente se fera à l'hôtel de Louvois, rue de Richelieu, vis-à-vis celle de Colbert, le lundi 10 février 1783, & jours suivans ", Paris, Prault, 1783, p. 233
(6) Hébert, " Dictionnaire pittoresque et historique, ou Description d'architecture, peinture, sculpture, gravure ... et dates des établissements et monuments de Paris ", Paris, Claude Hérissant, 1766.
(7) Pierre Remy, Jean-François Musier, " Catalogue de tableaux précieux, miniatures & gouaches, figures, bustes & vases de marbre & de bronze, armoires, commodes & effets précieux du célèbre Boule, un magnifique lustre de crystal de roche, & plusieurs autres de bronze doré, des porcelaines anciennes & modernes du plus grand choix, des pendules, feux & bras de cheminée de bronze doré, & autres objets curieux & rares qui composent le cabinet de feu M. Blondel de Gagny, trésorier-général de la Caisse des amortissements ", 1776.
(8) Vente Sotheby's Londres
le 10 novembre 2010, lot 418.
(9) J. Ayers, "Chinese and Japanese works of art in the collection of her Majesty the Queen", Royal Collection Trust, 2017, vol II,
p. 654, fig. 1527-1528.
(10) Pierre Verlet, " Les Bronzes Dorés Français du XVIIIe siècle ", Picard, 1987, p. 288, no. 324.
(11) Christie's New York,
le 18 novembre 1978, lot 138.
(12) H. Ottomeyer et al., "Vergoldete Bronzen", Munich 1986, vol I p.102, fig 2.1.1.
(13) Op.cit. p.103, fig 2.13.
(14) Conservé au musée Calouste Gulbenkian à Lisbonne
(15) C. Perrin, " François Thomas Germain, orfèvre des rois ", Monelle Hayot, Paris, 1993, p. 155.
(16) Op cit. p. 230.
(17) Op. cit. pp. 218-219.
(18) P.Verlet, " Les bronzes dorés français du XVIIIe siècle ", Picard, 2003, p. 32, fig. 20.
(19) Rijksmuseum p. 205.
(20) V. Viale, Catalogue de l'Exposition, " Mostra del Barocco Piemontese ", Turin, 1963.
(21) E. Grall et D. Alcouffe, " Antoine Robert Gaudreaus, ébéniste de Louis XV ", Faton, Paris, 2022, pp. 208-217.
(22) Vente à Paris, hôtel George V, le 8 juin 1990, lot 40.


Estimation 80 000 - 120 000 €

Vendu 104 960 €
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Vente : 4203
Date : 16 juin 2022 18:00
Commissaire-priseur : Isabelle Bresset

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