Antoine DUBOST Lyon, 1769 - Paris, 1825
La belle et la bête : allégorie satyrique de Thomas Hope et de son épouse Louisa
Vendu 24 928
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Antoine DUBOST Lyon, 1769 - Paris, 1825
La belle et la bête : allégorie satyrique de Thomas Hope et de son épouse Louisa
Huile sur panneau, renforcé au verso
Signé et localisé 'DUBOST / LONDON' en bas à gauche sur le couvercle du coffre
Beauty and the Beast, oil on panel, signed, by A. Dubost
Hauteur : 65,50 Largeur : 52,50 cm
Provenance : Acquis auprès d'un antiquaire des Batignolles par la mère de l'actuel propriétaire, probablement dans les années 1950 ;
Collection particulière, Paris
Commentaire : Il est des découvertes qui rendent notre métier des plus savoureux. Lorsque nous fumes contactés il y a quelques mois pour venir examiner chez un amateur un portait allégorique de l'amiral Nelson et de sa maîtresse, nous ne pouvions deviner que nous allions découvrir une des plus fascinantes histoires de la peinture satyrique. Un rapide examen de l'œuvre nous fit découvrir sur le couvercle du coffre en bas à gauche la signature 'DUBOST / LONDON' et dès lors le magnifique article de Richard E. Spear publié en 2006 dans le 'Burlington Magazine'1 nous offrit tous les croustillants détails de l'affaire qui opposa en 1810 Antoine Dubost à Thomas Hope.
Thomas Hope, marchand hollandais arrivé à Londres en 1795 pour fuir l'invasion française, grand collectionneur, designer et promoteur du style Greek Revival2, acquiert auprès du peintre Antoine Dubost récemment établi à Londres un de ses chef-d 'œuvres : Damoclès. La toile (récemment redécouverte à Bombay en Inde) peinte en 1804, tire un excellent parti d'une iconographie rare et expose toutes les leçons apprises dans l'atelier de David mais avec des innovations et un style qui nous font regretter une production trop rare chez l'artiste d'origine lyonnaise d'abord formé chez Vincent.
Les fortes personnalités des protagonistes contribuent pour beaucoup à la naissance d'une relation extrêmement conflictuelle qui occupera les tribunaux londoniens, les journalistes mais aussi les plus grandes personnalités du monde de l'art britannique qui seront appelées à prendre parti à l'affaire : Benjamin West, Henry Fuseli, Thomas Lawrence, Lord Baron… A la naissance du conflit, la somme promise de 1.500 guinées pour l'acquisition du Damoclès ne fut honorée qu'à hauteur de 800 guinées. Puis, remettant en doute la paternité de l'œuvre, le collectionneur efface la signature de l'artiste et diminue le format du tableau en réduisant la toile en haut et en bas. Enfin une commande du portait de Madame Hope et de ses enfants ne fut pas réalisée… La relation entre les deux hommes était empoisonnée tant et si bien que le peintre fit figurer un tableau " explosif " lors de son exposition sur Pall Mall en 1810. Intitulé " Beauty and the Beast ", le portrait satyrique représentait Thomas Hope sous des traits simiesques déversant son or à sa belle épouse. Le conte français La Belle et la Bête, popularisé par Madame de Villeneuve (1744) et Madame Leprince de Beaumont (1759) puis mis en musique par André Grégory dans 'Zémire et Azor' (1771), faisait ici l'objet d'une interprétation qui ne dupa personne. Le jour même du vernissage de l'exposition tout Londres était au courant et Thomas Hope ne tarda pas à porter l'affaire en justice. Mais la loi du talion est parfois plus efficace que la justice des tribunaux et le frère de Mrs. Hope, le révérend John Beresford, se rendit le 20 juin 1810 chez Dubost et lacéra la toile en morceaux.
Les suites de cette affaire sont merveilleusement détaillées (fortune des procès, retour chaotique en France du peintre… et enfin mort tragique lors d'un duel) dans l'article de Richard E. Spear. Mais ce qui nous intéresse encore plus ici est le précieux témoignage que constitue notre panneau, riccordo précieux d'un tableau ambitieux et fourmillant de détails savoureux.
La scène se déroule dans la pièce de l'Aurore (Aurora Room), un des sommets du goût nouveau scénographié avec soin par Thomas Hope dans sa résidence de Duchess Street. Dans son recueil de design contemporain3 publié en 1807 Thomas Hope illustre cette pièce, tabernacle de ses multiples créations et du groupe de John Flaxman4, 'Céphale enlevé par Aurore' (fig. 1 et 2). Sommet du goût Greek Revival, cette pièce est reconstituée au Victoria & Albert Museum de Londres. Dans La Belle et la Bête, les traits de Thomas Hope sont parfaitement identifiables ainsi que ceux de son épouse, un crâne posé dans l'angle inférieur droite sert de vanité pour rappeler que la mort est la finalité inexorable de toute existence et le poème en bas à gauche, partiellement lisible5, renforce la lecture du sujet.
Une question se pose : à quel moment l'artiste a-t-il peint ce riccordo ? À Londres après que sa toile fut lacérée ? Ou à Paris après son retour en janvier 1813 comme il est plus aisé de le penser en raison des difficultés que l'artiste eut à récupérer l'ensemble de ses bagages de Londres ? A qui était-il destiné ? Est-il en tout point semblable à la toile détruite ? Voilà quelques questions qu'il reste à résoudre.
1. R. E. Spear, " Antoine Dubost's 'Sword of Damoclès' and Thomas Hope : An Anglo-French Skirmish", in 'The Burlington Magazine', août 2006, vol. 148, n°1241, p. 520-527.
2. Le catalogue de l'exposition 'Thomas Hope, Regency Designer', Londres, Victoria & Albert Museum, 21 mars-22 juin 2008, puis New York, The Bard Graduate Center for Studies in the Decorative Arts, Design, and Culture, 17 juillet-16 novembre 2008 est une somme importante sur la connaissance de cet important designer.
3. Th. Hope, 'Household Furniture and Interior Décoration from Designs by Thomas Hope', Londres, 1807, pl. VII.
4. 'Céphale enlevé par Aurore', marbre blanc, vers 1789-1792, Liverpool, National Museum Lady Lever Art Gallery, LL713.
5. " Welcome Beauty / Bannish fear / You are quenn And / Mistress here / Speak your wishes / …/ Weet Still. "
Estimation 15 000 - 20 000 €
Vendu 24 928 €
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