Charles GLEYRE Chevilly, 1806 - Paris, 1874
Ruth et Booz
Vendu 98 400
€ [$]
Charles GLEYRE Chevilly, 1806 - Paris, 1874
Ruth et Booz
Huile sur toile (Toile d'origine)
Signée des initiales 'CG' en bas à gauche
Toile de la maison Haro fils
Ruth and Booz, oil on canvas, signed by C. Gleyre
Hauteur : 63 Largeur : 85 cm
Provenance : Collection de Monsieur et Madame Louis de Clercq (probablement en 1858, avec son pendant 'Ulysse et Nausicaa') ;
Puis par descendance ;
Collection particulière, Paris
Bibliographie : Charles Clément, 'Charles Gleyre. Etude biographique et critique avec le catalogue raisonné de l'œuvre du maître', Paris, 1886, p. 261-262 et p. 412, n° 73
William Hauptman, 'Charles Gleyre 1806 - 1874', Zurich, 1996, vol. I, p. 206 repr. 160, p. 208-209, p. 219, vol. II, p. 352-353, n° 612
'Charles Gleyre. Le génie de l'invention', cat. exp. Lausanne, musée cantonal des Beaux-Arts, 2006-2007, p. 11, fig. 7 et p. 15
'Charles Gleyre (1806-1874). Le romantique repenti', cat. exp. Paris, musée d'Orsay, 2016, p. 211, repr. p. 212 fig. 34 et p. 246
Commentaire : Il est amusant de savoir que les premières graines du plus grand mouvement moderne en réaction à l'académisme furent plantées dans l'atelier d'un de ses plus brillants représentants à la suite d'Ingres. " Rappelez-vous, jeune homme, que lorsque on exécute une figure, on doit toujours penser à l'antique ". Le conseil vient de Charles Gleyre, donné à un jeune artiste dans son atelier, encore totalement inconnu, un certain Claude Monet. En effet, outre Monet, nombres d'artistes modernes tels Renoir, Bazille ou encore Sisley, firent leurs armes auprès du maître des 'Illusions perdues'. Charles Gleyre, qui épousa avec enthousiaste son rôle de professeur, mis en place une méthode nouvelle, basée surtout sur la liberté créatrice. Il accorde une importance capitale à ces libertés octroyées aux élèves. Il nous est permis de penser aujourd'hui que c'est bien sa méthode qui, entre autres, favorisa la naissance du mouvement impressionniste quelques années plus tard.
Malgré cette formidable ouverture d'esprit, Charles Gleyre ne se détourna personnellement jamais de son académisme pictural cultivé dans l'atelier de Louis Hersent puis auprès d'Ingres. Notre tableau, exemple merveilleux de l'esthétique de Gleyre mais aussi de ce que doit être le parfait tableau académique au milieu du XIXe siècle respecte tous les canons du courant auquel il appartient. Comme toujours, les compositions de Gleyre s'appuient sur une étude approfondie de l'anatomie et du drapé, avec un dessin très abouti conférant aux œuvres la clarté de la sculpture classique. De nombreuses études préparatoires sont ainsi répertoriées pour notre tableau. L'œuvre raconte l'histoire de Ruth, femme de Moab totalement démunie par la perte de son mari, qui décide d'épauler et de soutenir sa belle-mère Naomi, elle aussi veuve et sans enfant après le décès de son mari et de ses deux fils : " Ne me presse pas de te laisser, de retourner loin de toi ! Où tu iras, j'irai, et où tu demeureras, je demeurerai " (Ruth 1.16). Rentrées à Bethléem, ville natale de Naomi, et sans aucune ressource, elles décidèrent d'aller glaner les champs. Ruth se rendit dans les champs de Booz et y ramassa les épis de blés non récoltés par les glaneurs. Un jour, ce dernier se rendit dans son champ et aperçut Ruth, se démarquant par l'acharnement et le dévouement dans son travail. Touché par sa situation, Booz la prit sous sa protection. Naomi suggéra alors à Ruth de se proposer en mariage à Booz, en se couchant à ses pieds dans son sommeil et en tentant de le charmer. Sans chercher finalement à le piéger, Ruth se proposa à Booz et attiré par le caractère vertueux de Ruth, il accepta de la prendre comme épouse. Ruth et Booz eurent un fils, Obed, père d'Isaï et grand père du Roi David, tous ascendants de Jésus-Christ.
Gleyre nous offre ici le moment précis ou Booz remarque Ruth dans son champ. Au premier plan l'héroïne ramasse un épi. Derrière, au centre de l'œuvre, Booz semble questionner un de ses glaneurs au sujet de cette jeune femme qui l'intrigue. Au contraire des deux glaneuses à droite, Ruth se désintéresse de la scène au profit des grains qu'elle pourra ramasser et qui lui assureront sa survie. C'est bien ce dévouement inébranlable de Ruth, particulièrement palpable sur la toile, qui fera d'elle le symbole ultime de vertu et de fidélité, inspirant les plus grands artistes et poètes, parmi lesquels Victor Hugo. Présenté aujourd'hui dans un état de conservation merveilleux, notre tableau fut, au cours de l'histoire, séparé de son pendant, 'Ulysse et Nausicaa', apparut récemment sur le marché1 (fig.1). Il s'agit incontestablement d'un des plus grands chefs-d'œuvre de l'artiste.
1. Vente anonyme ; Londres, Sotheby's, 12 décembre 2018, n°16 (vendu 175.000 £)
Estimation 60 000 - 80 000 €
Vendu 98 400 €
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