Luca PENNI Florence, vers 1500 - Paris, 1556
La Vierge à l'Enfant et le petit saint Jean-Baptiste
Estimation 30 000 - 40 000 € [$]
Luca PENNI Florence, vers 1500 - Paris, 1556
La Vierge à l'Enfant et le petit saint Jean-Baptiste
Huile sur panneau, doublé
(Restaurations)
The Virgin and Child with the little saint John the Baptist, oil on panel, by L. Penni
Hauteur : 74,50 Largeur : 59,50 cm
Provenance : Vente anonyme ; Paris, Brissonneau, 4 juillet 2018, n° 118 (comme Ecole toscane, XVIe siècle) ;
Acquis lors de cette vente par l'actuel propriétaire ;
Collection particulière, Paris
Bibliographie : Dominique Cordellier, 'Luca Penni. Un disciple de Primatice à Fontainebleau', cat. exp. Paris, musée du Louvre, 2012-2013, p. 16 et repr. p. 22, fig. 10 et p. 190, cat. 89
Dominique Cordellier, " De Gênes à Paris : Luca Penni, dit le Romain, peintre ", in F. Elsig (dir.), 'Peindre en France à la Renaissance II. Fontainebleau et son rayonnement', Milan, 2012, p. 39, fig. 14
Commentaire : Luca Penni fait partie de ces artistes que l'histoire de l'art récente a patiemment fait ressurgir, étape par étape, d'articles en catalogues, de comparaisons en attributions, faisant peu à peu émerger la figure d'un peintre et dessinateur accompli, formé à Rome à l'école de Raphaël avant de rejoindre en France le bouillonnant chantier du château de Fontainebleau et de ses décors et d'achever sa carrière à Paris1.
Lorsqu'en 1538-1540 il apparait dans les comptes des bâtiments du roi, son salaire est équivalent à celui de Primatice, signifiant la reconnaissance qui lui était alors accordée. Pourtant, son œuvre de décorateur a disparu et ses tableaux de chevalet mentionnés par les sources également. Si un corpus a pu progressivement être rassemblé sous son nom, c'est en partie grâce à son œuvre gravé et dessiné, mieux connu. En 2004, Sylvie Béguin publie un article sur la " Madone Strange ", une Vierge à l'Enfant avec le petit saint Jean et un donateur ayant appartenu à Sir Robert Strange au XVIIIe siècle, longtemps donnée à Raphaël et rendue à Luca Penni par Everett Fahy2. Très proche de ce qui se faisait dans l'atelier de Raphaël - une composition à mi-corps, des figures à la physionomie lisse et pleine, le jeu entre les deux enfants tandis que la Vierge se tourne avec douceur vers un tiers - cette Madone peut être considérée comme une œuvre de jeunesse, réalisée probablement dans la seconde partie des années 1520 et avant l'arrivée de Penni à Fontainebleau.
L'attribution de cette composition à Luca Penni a permis à Dominique Cordellier de lui rendre également la Vierge à l'Enfant que nous présentons ici, dont il existait une photographie en noir et blanc classée à Bacchiacca à la documentation du musée du Louvre. Là encore, elle témoigne de la dette de Luca Penni envers Raphaël et Giulio Romano, particulièrement visible si nous la comparons par exemple à la 'Madone à la rose' conservée à Madrid au musée du Prado (fig. 1). Un dessin de même sujet de Luca Penni conservé à l'Art Institute de Chicago présente également des similitudes avec notre tableau (fig. 2), attestant lui-aussi des recherches de l'artiste autour de ce sujet3.
La redécouverte de cette Vierge à l'Enfant avec le petit saint Jean permet d'en apprécier le coloris, alternant le vieux rose, le bleu électrique et un vert Véronèse que vient réveiller le coussin mordoré sur lequel est assis le Christ. Cette palette plus variée et plus acidulée que celle de la Madone Strange rapproche notre tableau des productions bellifontaines, sans qu'il soit évident de trancher ici sur une datation à la fin de la période italienne ou très peu de temps après l'arrivée de Penni en France.
A l'instar de ce que l'on peut ressentir devant une œuvre de Raphaël, une grande douceur émane de cette composition, où la Vierge aux yeux mi-clos se penche vers le petit saint Jean-Baptiste, déjà muni de sa peau de chameau et de son bâton de prédicateur orné d'un phylactère indiquant 'Ecce Agnus Dei', qui regarde quant à lui l'enfant Jésus qui le bénit. La franchise du regard et du sourire échangés par les deux enfants, dont les attributs annoncent la mission et le sacrifice à venir, est ici très intelligemment rendue. Le raffinement tout maniériste du peintre participe également de la beauté de l'œuvre, avec la délicatesse du geste de la Vierge protégeant son Fils de son voile transparent, les fines boucles de la chevelure des deux enfants ou encore le motif de lys ornant le nimbe du Christ.
A la croisée des chemins et des influences, cette Madone de Luca Penni nous offre un nouveau témoignage de cette Renaissance européenne bouillonnante et de son laboratoire artistique, s'affranchissant des frontières par le voyage et par l'estampe, capable de produire chez le spectateur, par le raffinement et la délicatesse de ses ouvrages, un sentiment de fragilité et de fugacité qui ne sera jamais égalé, tout en étant créatrice de canons qui ne cesseront d'inspirer les artistes des siècles suivants.
1. Pour un état de la recherche concernant l'artiste, lire l'avant-propos de D. Cordellier in cat. exp. 'Luca Penni, op. cit.', p. 11.
2. S. Béguin, " La Madone Strange de Luca Penni ", in 'Arte Collezionismo Conservazione: Scritti in onore di Marco Chiarini', Florence, 2004, p. 188 et suivantes. Le tableau, aujourd'hui dans une collection particulière, a été présenté en vente à Londres chez Christie's, le 8 juillet 2005, n° 14.
3. Inv. 1922.933.
Estimation 30 000 - 40 000 €