Frans POURBUS Le Jeune Anvers, 1569 - 1622
La Transfiguration
Estimation 150,000 - 200,000 € [$]
Frans POURBUS Le Jeune Anvers, 1569 - 1622
La Transfiguration
Huile sur toile
The Transfiguration, oil on canvas, by F. Pourbus the Younger
h: 148,50 w: 125,50 cm
Provenance : Dans l'église des Grands Augustins à Paris ;
Collection Jacques Goudstikker, Amsterdam, vers 1931 (comme Thomas de Keyser) ;
Vente forcée à Herman Göring, 1940 ;
Collection Hans Werner Hoehne, Fribourg-en-Brisgau, 1942 ;
Puis par descendance ;
Vente anonyme ; Vienne, Dorotheum, 18 décembre 2019, n° 77 (comme Ecole néerlandaise du XVIIe siècle), vente organisée avec l'accord des héritiers de Jacques Goudstikker ;
Collection particulière, Espagne ;
Vente anonyme ; Madrid, Ansorena, 20 décembre 2023, n° 227 (comme Ecole romaine du XVIIe siècle) ;
Acquis lors de cette vente par l'actuel propriétaire ;
Collection particulière, Île-de-France
Bibliographie : P. T. A. Swillens, "Jacob van Campen als schilder", in 'Elseviers geillustreerd maandschrift', 1938, 48, p. 295, LIX, ill. 6 (comme Jacob van Campen ?)
Blaise Ducos, 'Frans Pourbus Le Jeune (1569-1622)', Dijon, 2011, p. 276, n° P.A. 102
Commentaire : Source de premier plan pour l'étude de l'histoire du bâti parisien et de son décor, Henri Sauval (1623-1676) dans son Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris, mentionne, lorsqu'il aborde l'église des Grands-Augustins, un tableau de Pourbus représentant l'épisode de la Transfiguration du Christ : " A la Chapelle de Mr de Mesme, le tableau est de Porbus. Il représente la Transfiguration de Notre Seigneur. Tout en est si beau, que je ne decouvrirai qu'une partie de sa beauté, quand je dirai que les têtes de St Pierre et de St Jean sont des plus belles (…) c'est un des tableaux où Porbus a montré plus de genie1 ". Il revient à Blaise Ducos d'avoir rapproché notre tableau de l'œuvre de Pourbus signalée par Sauval.
Si l'on en croit Sauval, l'œuvre ornait la chapelle de la famille de Mesmes. Dans l'Antiquités nationales ou Recueil de monuments pour servir à l'histoire générale et particulière de l'empire françois, Aubin-Louis Millin décrit avec précision l'intérieur de l'église mais n'évoque pas cette chapelle, alors même que d'illustres membres de la famille de Memes se trouvaient enterrés dans l'église2. Rares sont les témoignages de l'intérieur de l'église au XVIIe siècle. Ce haut lieu de l'Ordre du Saint-Esprit fut en effet entièrement redécoré sous Louis XV mais une gravure d'après Sébastien Leclerc nous offre un aperçu du cœur avant les transformations du XVIIIe siècle (fig.1).
Le peintre prit soin d'accentuer le caractère spectaculaire de la scène par la lumière dorée singulière qui irradie derrière le Christ entièrement vêtu de blanc. Aussi, même placée dans l'environnement obscur d'une chapelle, l'œuvre devait constituer une image forte et remarquable.
Il semble que le tableau resta dans l'église des Grands-Augustins jusqu'à la Révolution française. Il se trouvait avant la seconde guerre mondiale dans la collection du marchand néerlandais Jacques Goudstikker. Il passa ensuite dans la collection de Monsieur Hans Werner Hoene. L'œuvre, qui fut tour à tour attribuée à Jacob van Campen, Thomas de Keyser et Willem van Herp I, constitue une importante redécouverte.
Le contexte artistique à Paris sous la régence de Marie de Médicis est en effet à la fois passionnant et complexe. La véritable identité d'une école nationale de peinture n'existe pas encore et chacun sait qu'il faudra attendre le retour de Rome de Simon Vouet en 1627 et l'émancipation du jeune roi pour que se dégage un courant " national ". Ainsi nombre d'artistes étrangers reçoivent des commandes de première importance. Si les Italiens ont régné presque en maître au XVIe siècle, les artistes flamands reçoivent le meilleur accueil à Paris en ce début de XVIIe siècle. De grands chantiers comme les galeries du palais du Luxembourg qui virent Rubens diriger au début des années 1620 un chantier flamand à Paris en sont l'illustration. Que le portrait officiel du jeune roi Louis XIII (fig. 2, huile sur toile, Weiss Gallery, Londres, en 2020) et celui de sa sœur Elisabeth promise au roi d'Espagne soient peints par un flamand ne surprend guère. C'est ce même peintre Frans Pourbus qui reçoit la commande de l'un des premiers personnages de la capitale pour sa chapelle familiale. La commande pourrait revenir à Jean-Jacques de Mesmes (1560-1642), seigneur de Roissy et président de la cour des comptes ou plus vraisemblablement à son fils, personnage éminent à Paris puis qu'il fut prévost des marchands entre 1618 et 1622 (soit au moment de la commande du tableau) : Henri II de Mesmes (1585-1660) qui devint aussi plus tard président à mortier du parlement de Paris (fig.3)
Ce spectaculaire tableau s'inspire de La Transfiguration de Raphaël que Frans Pourbus découvrit sans aucun doute à Rome lors de son séjour en Italie. L'artiste apporte néanmoins à sa toile un traitement épuré et audacieux, un caractère mystique subjuguant d'efficacité, une harmonie de couleurs et une palette bouleversante, et enfin des émotions dans les expressions des protagonistes qui font de cette toile un des chefs d'œuvre de son temps.
1- Henri Sauval, Histoire et recherche des antiquités de la ville de Paris, tome I, Paris, 1724, p. 447.
2- Voir Lazare-Maurice Tisserand, Topographie historique du vieux Paris, Paris, 1887 p. 254.
Estimation 150 000 - 200 000 €