CONSOLE D'ÉPOQUE NÉOCLASSIQUE, DE LA FIN DU XVIIIe SIÈCLE AUX ANNÉES 1820
Vendu 13 000
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CONSOLE D'ÉPOQUE NÉOCLASSIQUE, DE LA FIN DU XVIIIe SIÈCLE AUX ANNÉES 1820
En placage d'ébène, incrustations de laiton, étain, écaille et corne teintée bleu, à décor de volutes, arabesques et rinceaux feuillagés, ornementation de bronze ciselé et doré, dessus de marbre noir, la ceinture ouvrant par un tiroir, soutenue par quatre montants en gaine réunis par une tablette d'entretoise ornée au centre d'une rosace feuillagée et terminés par des pieds en boule aplatie ; accidents et manques, tâches au plateau de marbre
H. : 81 cm (32 in.)
l. : 76 cm (30 in.)
P. : 49,5 cm (19 1/2 in.)
A Neoclassical gilt-bronze mounted, ebony, brass, tin and tortoiseshell inlaid console, from the end of the 18th century to the 1820s
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* Après un examen des éléments de construction n'indiquant aucune transformation et la qualité homogène de la marqueterie nous pensons qu'il s'agit d'une œuvre de la période néoclassique, de la fin du XVIIIe siècle aux années 1820. L'estimation reste inchangée.
La marqueterie contient également de la corne teintée bleu.
* After further examination of the construction showing no transformation and the even quality of the marquetry, we believe that it is a work of the neoclassical period, from the end of the 18th century to the 1820s. The estimate remains unchanged.
The marquetry also contains blue tinted horn.
Influence d'André Charles Boulle (1642-1732)
Ce piétement de cabinet, qui n'est pas sans rappeler les piètements de cabinets ou de coffres d'André Charles Boulle (1), parfois transformés en consoles (2), (fig. 1-2), appartient à un groupe de meubles recouverts en marqueterie d'étain et de laiton sur fond d'ébène, ou parfois d'écaille, soit brune, soit plus rarement tentée en rouge, dont les plus proches dans leurs décors sont un bureau à caissons (3) (fig. 3) avec des tiroirs ornés de frises très similaires à celle présente sur le tiroir de notre pièce, et notamment un cabinet sur piétement, autrefois dans le commerce de l'art (4) (fig. 4).
Ce décor s'inspire directement du répertoire d'André Charles Boulle qui poussa la technique de marqueterie par découpe superposée de différents matériaux à sa plus extrême perfection. Son influence fut immense sur nombre d'ébénistes contemporains qui reprirent cette technique en s'imprégnant de ses schémas de construction et de décor.
On remarquera que sur le cabinet de la figure 4, la plaque de fond est entourée par deux amples consoles plates en S, formant refends pour le panneau médian, dont l'aspect général ainsi que le motif central est aussi très similaire à celui du notre piétement. Par ailleurs, le motif de palmette cruciforme qu'on voit à la partie intérieure du battant du cabinet ne manque pas d'évoquer le même ornement présent sur la plaque de fond du piétement.
De même, sur les deux meubles les tablettes d'entrejambes sont ornées en leurs milieux de médaillons circulaires renfermant des rosaces tournoyantes identiques.
Or, le décor des parties intérieures des vantaux du cabinet, le relie à toute une série de meubles qui présentent cet ornement dans leur composition marquetée (5), aussi à plusieurs anciens plateaux de tables remontés sur des piétements à l'époque de Louis XVI (6) ou pendant le XIXe siècle, dont une, estampillée par Jean Passmar (reçu maître en 1774), fut vendue chez Artcurial, le 28 juin 2016, lot 72, et notamment à un autre grand cabinet sur piétement (7), dont la composition générale rappelle un meuble d'André-Charles Boulle, mais qui est recouvert d'un décor marqueté bien différent, très individualisé et également très éloigné de celui employé par le maître
(fig. 5-6).
Philippe Poitou (v.1640-1709)
Ceci nous amène à chercher l'auteur des marqueteries en étain et laiton parmi les ébénistes ayant travaillé dans le cercle de Boulle et d'évoquer le nom de Philippe Poitou, menuisier en ébène, qui avait épousé en 1672 sa sœur, Constance Boulle, avec laquelle il s'engageait en 1674 de réaliser pour André-Charles, "en tous les ouvrages de marqueterie et autres qu'il leur donnera à faire" (8). Veuf avant novembre 1676, Philippe Poitou devint par la suite maître ébéniste et marqueteur ordinaire du roi et épousa en 1678 en secondes noces Catherine-Marguerite Sommer, elle-même veuve d'un ébéniste de la Couronne, et œuvrant comme lui pour les Bâtiments du roi.
Ceci pourrait expliquer, en effet, la ressemblance entre le grand cabinet et des meubles de Boulle: visiblement, si Poitou resta influencé par son beau-frère pour certaines des formes de ses meubles, il s'en éloigna aussi, en ouvrant une voie originale pour leur décor marqueté. Cependant, il faut avancer avec beaucoup de prudence dans l'attribution de pièces réalisées à une époque où l'apposition de l'estampille ne constituait pas encore une obligation, bien que, dans les circonstances évoquées, le rapprochement de cette production dont notre piétement de cabinet en fait partie, de la création précoce de Philippe Poitou semble plus qu'envisageable.
(1) Telle la paire de l'anc. coll. Ledoux-Lebard, vente, Paris, Mes Ader-Picard, 16 mars 1967, n°118?; la paire provenant de l'anc. coll. du baron Achille Seillière au château de Mello, puis de Sir Philip Sassoon, Christie's, Houghton House, 8 décembre 1994, n°22?; la paire des anc. coll. Beloselsky-Belozersky & Alfred Sommier à Vaux-le-Vicomte, Christie's, New York, 21 mai 1996, n°329 ; le coffre sur piétement de l'anc. coll. Horace Walpole à Strawberry Hill, aujourd'hui conservé par The Lewis Walpole Library, Yale University, Farmington, Connecticut, etc.
(2) Dont une paire provenant de l'ancienne coll. Boni de Castelane au Palais Rose, vente, Paris, Me Laurin, 5 avril 1965, n°89, qui est identique à une autre paire provenant de Wanstead Housse, Essex, Christie's, Londres, 11-12 juin 2003, nos 25-26, les quatre présentant des tablettes d'entrejambe avec un médaillon central circulaire ; une autre paire restaurée par Etienne Levasseur, provenant de l'anc. coll. du marquis Da Foz à Lisbonne, Christie's, Paris, 16 décembre 2003, n°349.
(3) Vente, Paris, Me Coutau-Bégarie, 27 mai 2016, n°189.
(4) Vente, Paris, Mes Millon et Robert, 27 novembre 1995, n°344, puis galerie Segoura.
(5) Sur un bureau à caissons exécuté vers 1690 et restauré vers 1750 par Jacques Dubois, Sotheby's, Londres?; 3 juillet 2003, n°18, ou bien sur une paire de cabinets à hauteur d'appui conservé dans les collections du duc de Wellington, Stratfield Saye, Hampshire.
(6) Plateau à fond d'écaille brune, exécuté vers 1690 et remployé ers 1780, sur une table estampillée par A. Weisweiler, Sotheby's, Monaco, 1er juillet 1995n n°110 ; un autre aussi sur fond d'écaille brune, réalisé vers 1690 et remonté vers 1780, sur une table dans le style d'A. Weisweiler, anc. coll. Ashburnham Place, une troisième, à fond d'écaille rouge, exécuté vers 1690 et remployé vers 1780, sur une table estampillée par A. Weisweiler, vente, Paris, Europ Auction, 15 juin 2012, n°207.
(7) Sotheby's, Monaco, 3 décembre 1994, n°387.
(8) Arch. nat., Minc. cent., XLIII, 151, convention du 8 janvier 1674, citée par Jean-Pierre Samoyault, André-Charles Boulle et sa famille, Genève, Droz, 1979, p.37.
Estimation 10 000 - 15 000 €
Vendu 13 000 €
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