Noël HALLÉ Paris, 1711 - 1781
Une Savoyarde (portrait de Geneviève Lorry, épouse du peintre, tenant son fils Jean-Noël dans un berceau)
Vendu 19 680
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Noël HALLÉ Paris, 1711 - 1781
Une Savoyarde (portrait de Geneviève Lorry, épouse du peintre, tenant son fils Jean-Noël dans un berceau)
Toile
Signée et datée 'Noel Hallé / en Janvier 1756.' en haut à droite
A Savoyard woman, canvas, signed and dated, by N. Hallé
Hauteur : 63,50 Largeur : 47,50 cm
Provenance : Probablement collection Hortense Jubinal, née Corbeau de Saint-Albin (1824-1885), épouse de l'historien et député Achille Jubinal, fondateur et donateur des musées de Tarbes et Bagnère de Bigorre, fille d'Alexandre Rousselin de Saint-Albin, ami de Bernadotte, Carnot, David et Barras, et sœur du vicomte Philippe de Saint-Albin, bibliothécaire de l'impératrice Eugénie ; Par descendance à sa fille madame George Duruy (1853-1918), née Amélie Jubinal de Saint-Albin (1860-1926) ; Collection de son fils Albert Duruy (1898-1967) et d'Hélène Duruy (1904-1984) son épouse, puis de leur fille Colette Duruy ; Resté dans sa famille jusqu'à nos jours ;
Collection particulière, Ile-de-France
Bibliographie : Nicole Willk-Brocard, 'Une dynastie. Les Hallé', Paris, 1995, p. 392, n° 69
Commentaire : Les Savoyards étaient nombreux à Paris au XVIIIe siècle, occupant des petits métiers de rue, souvent ingrats, d'autres étaient montreurs de marmottes ou de chiens savants1. La passion des peintres pour ces sujets " savoyards " a parcouru tout le siècle, la représentation réaliste et sociale, pittoresque, étant perçue comme une antithèse des scènes galantes et mythologies gracieuses. Citons les tableaux d'Antoine Watteau en 1716 (Saint-Pétersbourg, musée de l'Ermitage), Jacques Dumont le Romain en 1737 (Moscou, musée Pouchkine), Jean-Baptiste-Marie Pierre en 1745 (vente, Paris, Millon, 8 décembre 2020, Marie-Anne Loir vers 1740-1750 (Riom, musée Mandet)², Nicolas-Bernard Lépicié en 1774 (vente Paris, Me Rheims, 1er avril 1963) ou encore Jean-Honoré Fragonard vers 1780 (plusieurs versions3).
Noël Hallé avait peint une 'Savoyarde et ses deux enfants', " tableau de cabinet " aujourd'hui perdu, qui avait obtenu un réel succès au Salon de 1753. En 1756, il crée notre composition, différente, dont il tirera une variante comportant un linge séchant derrière le groupe, un chien et son écuelle (collection particulière), sans que l'on puisse déterminer véritablement laquelle de ces deux versions fut exposée au Salon de 1757 sous le numéro 27.
En réalité, notre peinture n'est pas ce qu'elle semble représenter, c'est-à-dire une simple scène de genre avec une paysanne et son nouveau-né, ce qui serait déjà assez touchant et plutôt rare dans l'art français des années 1750. Notre 'Savoyarde' est en réalité à la fois, un double portrait familial, mais aussi un portrait travesti et enfin un portrait allégorique à connotation vertueuse.
Portrait familial pittoresque, car il semble bien que le personnage féminin représenté soit la propre épouse souriante du peintre, Geneviève Lorry avec son fils Jean-Noël, né en 1755, figurés par un père fier et heureux de conserver la mémoire de ce moment de bonheur intime. Portrait travesti, car Geneviève Lorry n'est ni de condition, ni d'origine paysanne, mais appartient plutôt à la bourgeoisie parisienne et que son habit à la savoyarde n'est qu'un costume rustique de fantaisie, à l'image des nombreuses véritables Savoyardes venues chercher du travail à Paris et dont les caractéristiques vestimentaires étaient un fichu blanc bien serré sur la tête, dit " en marmotte ", accompagné d'un petit mouchoir noué sous le menton, un corset coloré à manches longues et une jupe de couleur brune.
Noël Hallé nous décrit son épouse sous l'aspect d'une Savoyarde, traditionnellement féconde, figure souriante de simplicité d'une maternité vertueuse parce que modeste et humble et dont la pauvreté - incarnée, depuis Jean-Jacques Rousseau, par une paysannerie idéalisée - a justement su préserver la pureté des mœurs tenus éloignés de la corruption citadine du luxe et de la richesse. Le peintre se livre ici, non seulement à un portrait ressemblant de son épouse, mais aussi à son portrait moral, à un portrait allégorique de l'Epouse et Mère. Il nous donne, en fait, celui de la vertu maternelle et de la fidélité conjugale, un 'exemplum virtutis' paysan et intime.
Notre toile est emblématique de ce nouveau regard tendre sur l'enfance qui se développe dans la société bourgeoise chrétienne des Lumières tels que Philippe Ariès l'a décrit dans son essai 'L'enfant et la vie familiale sous l'Ancien Régime' (1960), c'est à dire le moment où l'enfant n'est plus regardé socialement comme un petit adulte, et où on passe à un noyau familial plus fermé, où l'enfant devient l'objet de toutes les attentions.
Nous remercions Madame Nicole Willk-Brocard pour l'aide qu'elle nous a apportée dans la rédaction de cette notice.
1. Rappelons que le duché de Savoie, qui géographiquement ne recoupait pas l'actuel département, avait alors sa capitale à Turin, dans le Piémont et n'a été rattaché à la France qu'en 1860.
2. G. Faroult, " La Veilleuse par Marie-Anne Loir au musée de Riom : fortune d'une iconographie savoyarde, entre peinture et littérature au XVIIIe siècle ", in 'B.S.H.A.F.', Paris, 2003 - 2004, p. 241-256.
3. Cambridge, Harvard University Art Museum, Fogg Art Museum, Moscou, musée Pouchkine, Portland, Portland Art Museum, dessin à Vienne, Graphische Sammlung Albertina.
Estimation 20 000 - 25 000 €
Vendu 19 680 €
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